Enron, le scandale

la concurrence organise la casse de l'emploi
Après l'explosion de la bulle Internet, beaucoup d'opérateurs se sont lancés dans de vastes restructurations. L'emploi est la première cible.
L'ouverture du secteur des télécoms à la concurrence, après dix ans, est catastrophique. En termes d'emplois, le secteur des télécoms compte aujourd'hui, avec une dizaine d'entreprises, moins de salariés qu'en 1992 où France Telecom était le seul opérateur. Le type de gestion tend à être le même partout. La rentabilité exigée par les actionnaires pèse fortement sur l'emploi.

C'est le cas à Colt. Cette société anglaise de téléphonie détenue par le fonds d'investissement nord américain Fidelity propose en France des services de téléphonie et d'Internet haut débit (ADSL) aux entreprises. Elle compte près de 5 000 salariés dans le monde. 800 suppressions de postes étaient prévues en 2002 dans toute l'Europe. En mai 2003, un plan social prévoyait de supprimer 45 postes en France. Hier, un comité d'entreprise extraordinaire devait examiner les propositions faites par la direction dans le cadre d'une nouvelle réorganisation. Cette dernière s'opère département par département. Selon les syndicats contactés, les dirigeants préfèrent procéder par des licenciements individuels pour éviter des " plans sociaux " qui les contraindraient plus.
Face à la crise des télécoms, la direction recentralise tous ses services pour réduire les coûts. En fonction des pays, des postes sont ouverts et fermés en quelques jours. Les capitaux américains, de l'aveu même des salariés, imposent à Colt un management à l'anglo-saxonne particulièrement " sec et difficile ", se traduisant par une pression individuelle très forte.

Bouygues Telecom (BT) n'est pas en reste. Là aussi, on procède à des licenciements individuels. " Au moins 100 par mois ", affirme un salarié. Le turn-over est énorme. " Au-delà de quarante-cinq ans, les gens sont à licencier. C'est la génération des seniors qui est visée. Les dirigeants de Bouygues Telecom veulent s'en débarrasser car les quadragénaires sont mieux payés, ils sont plus autonomes et ils ont un esprit critique.
On veut des gens clonés, le doigt sur la couture. C'est très vrai dans les centres de clientèles où il y a un turn-over qui avoisine les 25 % à 30 % ", indique encore ce salarié. BT a un problème : c'est l'opérateur qui a le plus de salariés (6 500) par rapport à son chiffre d'affaires (3,5 milliards d'euros). Ils veulent donc " régler ce problème en démultipliant les licenciements individuels, en utilisant l'argument de l'insuffisance professionnelle et le harcèlement ", nous indique-t-on.

Aujourd'hui, Cégétel, la filiale de téléphonie de Vivendi, compte près de 9 000 salariés suite au rachat de Telecom Développement, le réseau fibres optiques de la SNCF. L'entreprise se réorganise en 2 " branches métiers ", le fixe et le mobile. Lors du dernier CCE, la mise en place d'un actionnariat direct de Vivendi (59 %) et Vodafone (41 %) a été annoncée. La participation des salariés aux bénéfices sera en conséquence réduite d'un quart et les actionnaires bénéficieront d'une économie fiscale substantielle. " Le pacte d'actionnaires sur Cégétel se termine en février.
Vodafone voudrait, semble-t-il, lancer une OPA sur Vivendi Universal tout de suite après.
Nous sommes inquiets car Vodafone ne s'intéresse pas au téléphone fixe. Elle voudra certainement démanteler Cégétel (téléphone fixe) et ne récupérer que SFR (mobile) ", indique ce salarié. La direction est catégorique. Il n'y a pas de plan social. " Mais nous ne sommes pas dupes. Des licenciements conséquents ont lieu. Des pressions sont exercées sur le personnel.

Un cabinet d'expertise vient d'indiquer que 120 à 150 postes seraient supprimés suite à la fusion entre Cégétel et TD ", poursuit-il. " Le climat social dans Cégétel se dégrade ", nous indique-t-on. Dans les centres d'appels, il y a eu en effet des mouvements sociaux fortement suivis comme à Bagnolet ou Aix-en-Provence. Dans la branche fixe, les commerciaux commencent à s'inquiéter.

S. Ga.L'Humanité du 21/10/2003.

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