OMC et café
EN FINIR AVEC LES REGIMES SPECIAUX

Tout pour nous-mêmes et rien pour les autres, semble, à toutes les époques du monde, avoir été la vile maxime des maîtres de l'humanité - Adam Smith
En finir avec les régimes spéciaux accordés aux entreprises, au grand patronat, aux actionnaires n'est pas qu'un souhait, mais une nécessité absolue.
Le scandale des hautes rémunérations accordées à certains dirigeants est sans nom au même moment où plus de la moitié de la population survit avec moins que le SMIC.
La rémunération des actionnaires à des taux de plus de 15 % basés uniquement sur la spéculation et le licenciement des salariés est scandaleuse alors que plus de 2 millions de personnes sont considérées comme extrêmement pauvres.
Les cadeaux sans limites accordées aux entreprises par le biais d'exonérations de charges sont stériles, pèsent pour entraîner des salaires de plus en plus bas, et contribuent à mettre au rouge toutes les caisses de solidarité.

Article publié par le Figaro

EXCELLENT millésime pour les résultats des entreprises du CAC 40, l'exercice 2005 l'a aussi été pour les rémunérations des patrons. Qu'il s'agisse de leur salaire fixe, de leur bonus ou des stock-options, ces titres qui peuvent le jour venu être transformés en actions et vendus sur le marché, ils ont été très bien traités.
Les mieux rémunérés n'ont évidemment pas été les plus augmentés l'an dernier. Ils auraient même, en tenant compte de l'évaluation des stock-options par les entreprises elles-mêmes, perdu quelques millions.


Ce serait le cas pour Lindsay Owen-Jones (20 millions) chez L'Oréal ou de Bernard Arnault, le président et principal actionnaire de LVMH (10,3 millions). Antoine Zacharias, le patron de Vinci, arrive quand même en troisième position alors que sa rémunération de 7 millions ne comprend que son salaire fixe et son bonus, mais pas la valeur de ses stock-options qui n'a pas été divulguée par le groupe. Il n'est d'ailleurs pas le seul dans ce cas, puisque Jean-Philippe Thierry (AGF), Xavier Fontanet (Essilor), José Luis Duran (Carrefour) ou François-Henri Pinault (PPR) n'ont pas non plus communiqué ce chiffre.
La plus belle hausse revient à Jean-Philippe Thierry, qui a vu sa rémunération totale bondir de 81,6%. Celle de Jean Laurent, l'ancien directeur général du Crédit Agricole, a augmenté de près de 70%, après le versement de 543 000 euros d'"avantages" annexes (logement, retraite).
Hors "avantages", ses émoluments ont quand même progressé de 20% l'an dernier. En réalité, les plus "gâtés" d'une année sur l'autre ont été Paul Hermelin (Cap Gemini), Gérard Mestrallet (Suez), Baudouin Prot (BNP Paribas) et Henri Proglio (Veolia). Leur rémunération totale a fait pour chacun d'eux un bond d'au moins 30%. De quoi faire rêver les moins bien lotis du CAC 40.

Des bonus évolutifs
En 2005, mis à part Jean-Marc Espalioux, qui a quand même empoché une indemnité de départ de 12 millions, le plus mal traité a été, une fois n'est pas coutume, Jean-René Fourtou.
C'est le seul, avec Maurice Lévy chez Publicis, dont la rémunération a baissé. Toutefois, le salaire fixe de l'ancien PDG de Vivendi, passé de 1 million à 330 000 euros, est déjà remonté à 1 million d'euros au titre de sa toute nouvelle présidence du conseil de surveillance.
De la même manière, la minuscule augmentation de moins de 5% à laquelle a eu droit Antoine Zacharias a été plus que compensée par le versement d'une indemnité de départ d'environ 12 millions d'euros pour l'abandon de ses fonctions de directeur général de Vinci. Ce qui ne l'empêche pas de rester président du conseil d'administration.
Ce sont évidemment les bonus qui expliquent en grande partie les augmentations de l'an dernier. Cette partie des rétributions évolue en fonction des performances de la société. Et, de ce point de vue, l'exercice se révèle exceptionnel.

Le champion en la matière est sans conteste le président des AGF, Jean-Philippe Thierry, qui a touché son "bonus long terme" au titre de 2002, 2003 et 2004. Montant de la "prime" : 805 000 euros, qui s'ajoutent à son bonus "normal" de 840 000 euros. De quoi faire bondir de 110% la gratification qui lui a été versée au titre de sa gestion.
De son côté, Jean-Louis Beffa, le président de Saint-Gobain, s'est vu attribuer une vraie prime de 200 000 euros pour avoir réussi l'OPA sur le britannique BPB, une "performance remarquable pour la plus importante opération jamais entreprise par Saint-Gobain", explique le rapport annuel. Ces bonus sont généralement issus de calculs très compliqués, prenant en compte différents ratios financiers, l'évolution du cours de Bourse, mais aussi des objectifs parfois plus subjectifs.
Chez le très vertueux Air Liquide, par exemple, le variable du président a évolué aussi en fonction de sa "réactivité face à l'environnement". Chez Accor, le bonus de Jean-Marc Espalioux lui avait été attribué en fonction des résultats "appréciés dans leur contexte et compte tenu de la qualité des mesures prises".

Indemnités de départ et retraite
Mais les entreprises ne se contentent pas de soigner leurs dirigeants en activité. Elles se préoccupent aussi de leur avenir.
Globalement, elles leur promettent une pension représentant de 40 à 65% de leur dernière rémunération, qui s'ajoute parfois aux retraites dues par les organismes sociaux. Certains ont omis d'en faire mention. Carrefour, qui avait fait scandale lors de la divulgation de la retraite de son ex-PDG, en fait étonnamment partie.
D'autres se perdent dans des détails abscons, comme Essilor qui évoque "une pension supplémentaire liée à la rémunération correspondant à la tranche D...". Vivendi a été sans doute parmi les plus précis en la matière, puisque Jean-René Fourtou gagnera à ce titre 60% de sa rémunération globale à partir de 65 ans.

Quant aux indemnités de départ, elles s'échelonnent dans les rares groupes qui ont respecté la loi en les publiant, entre six mois et quatre ans de leur dernière rémunération. Ainsi, José-Luis Duran, chez Carrefour, toucherait vingt-quatre mois de "salaire" s'il est remercié et trente mois s'il s'agit d'un nouvel actionnaire, à l'issue d'une prise de contrôle. La planète des grands patrons français est parfois inaccessible au commun des mortels.


Le bal des privilégiés...

Les chiffres sont chocs, les bénéficiaires chics et les discours toc. L’actualité a de ces collisions d’informations qui éclairent crûment la scène nationale. Ainsi, les quarante géants du CAC 40 ont vu leurs bénéfices bondir de 23 % au premier semestre 2006.
Cinquante milliards d’euros de plus pour les actionnaires et les placements financiers. Citons des chiffres : Bouygues + 47 %, Accor + 54,3 %, Crédit agricole + 43,1 %, Dexia + 37,6 %, Lafarge + 53 %, LVMH + 46 %, Publicis + 50 %, Sanofi-Aventis + 33,6 %, Schneider Electric + 46 %, Société générale + 27,9 %, Vinci + 32 %, Vivendi + 48,1 %...
Jamais les sociétés n’ont bénéficié d’une telle rentabilité : 16 %, contre 9 % il y a quatre ans. Une vendange exceptionnelle réalisée sur le dos de salariés trop souvent saisonniers et précarisés.
Cette récolte-là ne doit rien à la météo. Toute la politique des gouvernants de ces dernières années a tendu à alléger les contributions sociales des entreprises, à réduire les impôts des sociétés et ceux sur le revenu, à liquider les droits sociaux et à déréglementer. Contrairement aux idées toutes faites, l’envolée des bénéfices concerne aussi celui des PME - même si certaines connaissent des difficultés - qui, selon l’indice de référence Mid&Small, a atteint 36,9 % dans la même période.

Alors que depuis 2003 les bénéfices sont au plus haut, l’investissement stagne obstinément... Cette corne d’abondance n’est pas injectée vers des projets productifs ni utiles à la population.
Elle sert à acheter encore et encore des actions pour faire grimper les cours ; elle s’évanouit dans le versement de dividendes énormes ; elle se stérilise dans la croissance externe - le rachat d’autres entreprises - qui supprime des emplois. Voilà le véritable bal des privilégiés.
L’appétit vient en mangeant, et les marchés attendent avec impatience que GDF (et ses 44 % d’augmentation des bénéfices semestriels) leur soit livré sur un plateau par le gouvernement et l’UMP. Et Nicolas Sarkozy, qui sait ce qu’il doit aux beaux quartiers, a choisi de mener l’offensive contre les retraites de cinq millions de fonctionnaires ou assimilés. « Celui qui dira qu’il est normal que les uns cotisent 40 ans pour que les autres cotisent 37,5 ans, celui-là ne respectera pas les Français », a-t-il osé déclarer, sans risque d’être contredit, sur France 2. C’est le même raisonnement qui conduit la droite à remettre en question les contrats à durée indéterminée, prétextant que d’autres salariés sont encore plus mal traités ! Le cynisme est à son comble quand certains présentent les régimes spéciaux comme des « privilèges ».
Ce sont les mêmes qui détournent les yeux pudiquement sur les flots de richesses détournées de l’économie utile pour grossir les dividendes.


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