Main basse sur l’information Ce n’est sans doute qu’un curieux hasard. L’arrivée de l’avionneur Serge Dassault, ami de la famille Chirac, à la tête de la Socpresse, suit de près la nomination de Jean-Paul Cluzel que l’on sait très proche de l’UMP à la tête de Radio France. Le nouveau PDG du groupe public, tout en se défendant d’un quelconque " nettoyage politique " a donc remplacé les directeurs de France-Inter (Jean-Luc Hees par Gilles Schneider) et de France-Musiques (Pierre Bouteiller par Thierry Beauvert). Ils ne seront pas seuls. Le baron Ernest-Antoine Seillière vient de racheter à Lagardère, Editis (ex-Vivendi Universal Publishing) pour sa société de Wendel. Le patron du MEDEF, par amour des livres sans doute, règne désormais sur Le Robert, Bordas, Nathan, Plon-Perrin, Robert Laffont, les Presses de la Cité, Belfond, Pocket, Fleuve Noir, 10/18 ou La Découverte ainsi que de l’important centre de distribution d’Interforum. Il est curieux aussi de constater, que dans le même temps, alors que le renouvellement du président de France Télévisions interviendra dans quelques mois, France 2 s’est aussi mise à l’heure de la reprise en mains. Au-delà de Daniel Billalian viré du 13 heures, c’est Gérard Leclerc, chef du service politique qui a, lui aussi, été mis hors jeu. Pour le remplacer, à droite toute avec la nomination annoncée de Gilles Leclerc qui, c’est le Figaro qui le dit, est proche de l’UMP. Ce n’est plus une reprise en main, c’est une mainmise sur l’information ! Celle des grands industriels : Lagardère bien sûr mais aussi Bouygues à la tête de TF1, Arnault, patron de LVMH ou Pinault (groupe Printemps La Redoute) eux aussi très investis dans les médias |
La Commission européenne a donné son feu vert au rachat de la Socpresse. Après le Figaro, avant probablement France2, le millardaire et accessoirement maire RPR de Corbeil se paye l'Express, l'Expansion, Lire, la Vie financière, l'Etudiant vendus par le groupe Vivendi Universal. Actionnaire principal du groupe Socpresse il achète ainsi locaux, lecteurs, journaux et journalistes. Propriétaire du journal départemental de L'Essonne : le Républicain il en a "fait sa chose".
Journal partial, insipide, caricatural. A tel point qu'à l'occasion des élections où il était candidat sa photo apparaissait en couleur accompagnée d'articles louangeux à son égard, ses adversaires eux étaient montrés en noir et blanc.
A l'occasion d'une réunion de la rédaction de l'Express, devant les journalistes stupéfaits il indiquait son intention d'écrire l'éditorial et de porter ainsi la bonne parole.
C’est une autre musique qui se joue à la Socpresse - 70 titres dont le Figaro et l’Express (1) - depuis que la Commission européenne a autorisé Serge Dassault à en prendre le contrôle à 82 %. Une réunion du conseil de surveillance vient de nommer l’avionneur à sa tête, l’installant aux commandes du premier groupe français de presse avec Lagardère (Hachette Filipacchi Médias, numéro un mondial de la presse magazine ". Et Serge Dassault a clairement prévenu dès vendredi sur BFM : " La première chose à faire, c’est de réduire les déficits et de vendre les journaux qui perdent de l’argent. " Première décision, demandée par Bruxelles en l’échange de son feu vert, la Vie financière va être vendue comme cela avait été annoncé le 28 mai. D’autres titres devraient suivre.
Ces annonces successives ont provoqué une grosse émotion dans le groupe et au Figaro même. Surtout depuis que Serge Dassault a évoqué " certaines présentations qui ne (lui) plaisent pas trop ". " J’aime les choses bien faites, faciles à lire ", a-t-il dit en souhaitant " qu’on parle des choses qui marchent bien et pas uniquement des choses qui marchent mal ". Futur directeur politique ? " Je n’en sais rien. On verra ", a-t-il répondu au micro de BFM. Les syndicats de journalistes du Figaro, le SGJ-FO et le SNJ ont, dès jeudi soir, demandé par lettre à rencontrer Serge Dassault. Ainsi le SGJ-FO veut l’interroger sur sa " politique éditoriale ? Comptez-vous maintenir un directeur politique ? Si oui, lequel ? Comment comptez-vous relancer le quotidien ? Entendez-vous gérer la chaîne éditoriale comme une chaîne de montage aéronautique ? Comment comptez-vous maintenir et développer la spécificité des titres de la Socpresse ? ".
L’industriel, qui dit avoir racheté la Socpresse par " coup de céur ", devra aussi dire quel sera le rôle du PDG actuel de la Socpresse, Yves de Chaisemartin que certains annoncent sur le départ alors qu’il négocie, avec le syndicat du Livre et les éditeurs, les suites de l’accord signé le 10 février après l’annonce du départ du Figaro du Syndicat de la presse parisienne.
De son côté, le syndicat de journalistes SNJ-CGT a estimé vendredi que l’acquisition de la Socpresse par le groupe Dassault, était " un événement grave pour la presse écrite en France " Avec cette décision de la Commission européenne prise " à la veille de la date symbolique du 18 juin ", le syndicat considère que " c’est tout l’acquis du programme du Conseil national de la Résistance (CNR) qui est dilapidé ". Le SNJ-CGT " appelle tous les citoyens, les associations démocratiques et les partis politiques à retrouver le souffle qui avait permis de créer une presse libre et indépendante des pouvoirs financiers ". Le syndicat a indiqué qu’il allait lancer " dans les prochains jours une campagne sur le thème du droit à l’information ".
Claude Baudry, L'Humanité du 21 juin 2004
(1) Le groupe contrôle à 100 % plusieurs quotidiens régionaux, dont le Progrès et le Dauphiné libéré en Rhône-Alpes. Dans l’Ouest, la Socpresse contrôle également le Maine libre et Presse Océan, ainsi que le Courrier de l’Ouest (80,3 %). Elle contrôle aussi le club de football du FC Nantes-Atlantique. Elle possède également le Bien public et le Journal de Saône-et-Loire. Elle édite TV Magazine (4,8 millions d’exemplaires en 2003, source Diffusion contrôle), publié avec une quarantaine de titres de quotidiens régionaux.
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