La notion de " service universel " est trompeuse. Elle est en fait une charge contre les entreprises publiques et leurs missions. Ce concept fait partie de l'arsenal idéologique libéral visant à soumettre les industries de réseaux (gaz, électricité, transports, postes et télécommunications, etc.) à la libéralisation et à la privatisation. Le scénario est en fait le même pour toutes les grandes entreprises publiques de réseau. Parmi les missions et les activités exercées par les opérateurs historiques, les plus rentables sont séparées du reste. C'est le cas de la téléphonie mobile, par exemple, qui est pourtant un service public. Les autorités européennes et derrière, les marchés financiers, ont vu tout de suite que l'activité de téléphonie mobile offrait des profits potentiels très intéressants. France Télécom a donc séparé cette activité en la regroupant dans la filiale Orange, rachetée en Angleterre. Ainsi, des activités sont définies comme concurrentielles et sont développées sur la base d'une forte croissance externe, elle même financée par appel aux marchés financiers. Les activités jugées non rentables, comme par exemple l'équipement en bornes des zones de montagne, sont alors définies comme relevant de missions de service universel. Pour assurer ces missions, un cahier des charges rabougri est alors défini. Durant tout le mouvement de libéralisation des années quatre-vingt-dix, ce cahier des charges étaient en quelque sorte garanti, car confié par la loi à l'opérateur historique. Mais aujourd'hui, la volonté du gouvernement et de Bruxelles est de transformer France Télécom en opérateur privé comme les autres. Par conséquent, le cahier des charges des missions de service universel seraient soumis désormais à un appel à candidatures (voir article ci-contre). Alors que le secteur des télécommunications présente une rentabilité à 10-12 %, quel peut être l'intérêt d'un groupe privé de prendre en charge ce type d'activité ? Le concept de service universel sert donc à imposer la privatisation comme modèle alternatif aux dérives étatistes qui ont pu exister comme au Crédit lyonnais par exemple. De même, le tout récent rapport parlementaire à propos de la gestion des entreprises publiques désigne le caractère public de ces établissements comme responsable de la dérive financière de ces dernières années. Les 70 milliards de dettes de France Télécom ne seraient dus qu'à la présence de l'État dans le capital. C'est oublier un peu vite que tous les grands groupes, privés ou publics, ont connu une telle dérive. C'est précisément parce que l'État s'est comporté comme un actionnaire privé, c'est-à-dire à la recherche du profit à court terme, que ces dérives ont eu lieu. Par conséquent, ni étatisation ni privatisation ne sont des solutions. Une véritable alternative consisterait à utiliser la présence de l'État dans le capital d'entreprises pour promouvoir de nouveaux droits d'intervention des salariés et des citoyens et de nouvelles normes de gestion opposées à la rentabilité capitaliste, et ce dans toutes les entreprises, quelles qu'elles soient. S. Ga. L'Humanité du 31/08/2003 |