Alain Bocquet, député, président du groupe communiste à l'Assemblée nationale. " Le combat pour le service public de l'énergie et contre la privatisation d'EDF est d'abord un combat pour les valeurs de dignité et de justice, qui constituent le fond des luttes sociales, quand tant de foyers subissent des coupures d'énergie. C'est ldes députés communistes d'exiger la suppression de ces dispositifs. Et c'est l'honneur des maires communistes d'interdire ces mesures ignominieuses. Ce combat se poursuit dans la vie et devant la justice. Électricité et gaz doivent rester l'apanage de la nation, qui a financé leur développement depuis soixante ans. Nous avons dit "non" dans l'Hémicycle au changement de statut d'EDF et GDF, et nous rejetons leur privatisation. L'indépendance énergétique, l'essor d'énergies nouvelles, la solidarité tarifaire, l'égalité des régions pour l'accès à l'énergie, la sécurité des installations, les droits des salariés restent les référents de base. L'énergie est moins que jamais une marchandise. " José Bové, porte-parole de Via Campesina. " Le besoin d'énergie pour tout un chacun constitue un droit au même titre par exemple que l'alimentation, l'eau, l'air. En aucun cas, il ne peut être soumis à une volonté de privatisation. Cette mission d'intérêt général est incompatible avec la logique du profit pour quelques-uns. Ce service de l'énergie ne doit en aucun cas remettre en question l'intérêt général. Cela implique aussi, selon moi, une réflexion sur le type d'énergie. L'impact des énergies sur l'environnement et sur les populations doit être au coeur des problématiques à prendre en compte. D'où la nécessité d'ouvrir le débat sur le nucléaire et sur les futures formes d'énergie. " Dominique Bucchini, conseiller territorial de Corse (PCF). " La Corse a vécu il y a quelque temps plus d'un mois sans électricité. Lorsque l'on est dans une région entourée d'eau, l'investissement dans le service public est décisif. La péréquation fait ainsi perdre 450 millions de francs par an à EDF : c'est ce principe juste qui fait que le kilowattheure est à un prix identique de Dunkerque à Ajaccio. Les forces politiques qui ne voient dans la loi du marché que justice, croissance et efficacité devraient regarder le problème avec responsabilité et objectivité. Si EDF est privatisée, qui va payer ces 450 millions ? Les Corses ? Les engagements à investir sur le Vazzio ou Lucciana ne seront évidemment pas tenus de la même façon, sans parler de l'entretien, du transport de l'électricité et des centrales elles-mêmes en fonction de l'arrivée du gaz saharien. En Corse, les problèmes insulaires viennent se superposer à toutes les bonnes raisons de s'opposer à la privatisation sur le continent. " Marie-George Buffet, secrétaire nationale du PCF. ![]() Elle garantit l'égal accès de tous à l'électricité, droit fondamental s'il en est. Elle est un moteur de développement et un acteur majeur de l'aménagement du territoire. Elle est amenée à jouer un rôle incontournable en matière d'environnement et de recherche. À tous points de vue, EDF occupe un secteur stratégique. Tous ces éléments exigent une maîtrise citoyenne. Nous n'acceptons pas qu'on livre aux marchands notre droit à la lumière et au chauffage. Nous n'acceptons pas qu'on livre l'aménagement du territoire à des spéculateurs. Nous n'acceptons pas qu'on mette en concurrence toujours plus les hommes et les femmes à l'échelle de la planète. Il y a urgence à développer des solidarités entre pays sur la question de l'énergie. Il s'agit là d'une bataille politique qui n'a jamais été menée ! EDF doit rester publique ! " Laurent Fabius, député de Seine-Maritime (PS). " La privatisation d'EDF serait pour les personnels et pour tous les Français une faute grave et il faut la combattre. D'abord, parce les hausses de tarifs, les concentrations, l'absence de planification des capacités de production et de transport, parfois même des coupures et des pannes massives, voilà le bilan des pays sans vraie régulation. En Europe, la privatisation d'EDF rendrait impuissante une vraie politique de l'énergie. Ensuite, l'énergie est un domaine essentiel avec des politiques publiques indispensables : la recherche de l'avantage pour le consommateur plutôt que pour l'actionnaire est un enjeu social (pour les particuliers), d'aménagement du territoire (par la péréquation territoriale), de dynamisme (pour les entreprises). Les risques spécifiques liés à la filière nucléaire ne peuvent pas être laissés à une gestion privée. Enfin, nous sommes à un tournant dans notre politique énergétique. Les industries fossiles, en particulier le pétrole, se raréfient. Le marché du gaz naturel devient mondial. En réponse, nous en sommes aux balbutiements des énergies renouvelables en France. Face à ces enjeux, le gouvernement organiserait l'impuissance publique s'il ouvrait le capital d'EDF. Il serait absurde de démolir une des plus belles réussites françaises pour des raisons idéologiques et financières. " François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste. " La politique énergétique de la France doit être sous contrôle de la puissance publique. Elle conditionne pour une large part notre indépendance nationale et la vie quotidienne de nos concitoyens. L'existence de notre parc nucléaire renforce la nécessité de cette maîtrise publique. La sécurité des centrales ne peut être subordonnée à une logique de rentabilité. L'ouverture du capital d'EDF voulue par le gouvernement Villepin est la première étape de sa privatisation. C'est pourquoi nous la refusons. Si elle était, malgré tout, engagée, nous la remettrions en cause le moment venu. Pour permettre à EDF de se développer et de lever de nouveaux capitaux, je propose de créer une société publique de financement avec le concours de la Caisse des dépôts et consignations. Cette solution permettra de satisfaire les besoins en financements nouveaux d'EDF sans remettre en cause la nature publique de l'entreprise. " Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière. Peut-on invoquer le " patriotisme économique " et en même temps livrer l'avenir du secteur aux fonds de pension, intéressés par la rentabilité immédiate, dans un domaine où l'investissement à long terme est la règle ? Elle joue un rôle économique fondamental en fournissant de l'électricité à bon marché aux citoyens comme aux entreprises. Il est ahurissant d'entendre certaines déclarations demandant une hausse des tarifs... afin que les concurrents d'EDF puissent être compétitifs ! Les exemples étrangers tendent tous à prouver les risques de la privatisation : des pannes de New York à celles du Royaume-Uni, ce sont souvent les usagers qui font les frais de la privatisation. Ces entreprises appartiennent à la collectivité et font partie du patrimoine national. Nous sommes attachés au modèle républicain. Celui-ci exige l'existence de services publics forts, dont EDF. La République sans services publics deviendrait une chimère. " Christiane Taubira, députée de Guyane (PRG). " Le néolibéralisme a des pudeurs de mots. L'ouverture du capital est le smoking de la privatisation. Le gouvernement a des délicatesses impubères. Il met des conditions comme on émet des voeux pieux. Il attend de l'entreprise un "engagement de service public". Voilà qui sublime l'impuissance de - l'État. Où est passée la virile vigueur du commandement sur le "patriotisme économique" ? L'opérateur public aurait-il déjà cessé d'être public pour que le premier ministre se contente d'espérer des gestes là où il devrait garantir une mission ? L'obligation et la délégation de service public sont juridiquement encadrées. Il leur manque les sanctions judiciaires sans lesquelles la loi n'est que vain bavardage. Le service public n'est donc pas affaire de bonne volonté. Il est le moyen d'assurer la stricte égalité des citoyens dans l'accès aux biens et services de première nécessité. L'électricité en fait partie, l'eau potable en dépend. Égaux en tous lieux du territoire, en France et outre-mer, telle est la marque du progrès. " Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT. " Nous vivons une crise énergétique qui n'est pas près de se dénouer. Dans ce contexte, il serait proprement aberrant de se priver d'un outil de maîtrise publique de l'énergie aussi performant qu'EDF. Cette entreprise est une grande réussite industrielle, qui n'a pas d'équivalent en Europe et dans le monde. C'est la qualité du service public, des réponses qu'il apporte aux besoins des usagers ainsi que la qualification et le dévouement des personnels qui en sont à l'origine. Aujourd'hui, rien ne justifie l'ouverture du capital d'EDF. Les besoins de financement de nouveaux équipements de production et distribution peuvent être couverts par bien d'autres moyens, au demeurant souvent moins coûteux qu'une cession-augmentation de capital. La volonté du gouvernement relève purement et simplement d'une logique libérale. Ouvrir le capital d'EDF, au moment où la situation financière de l'entreprise est bonne, relève du dogme politique et serait une spoliation de la nation. Elle porterait un coup terrible au service public, au niveau de sécurité des installations et à l'emploi. Pour la CGT, le gouvernement doit y renoncer. " Émile Zuccarelli, ancien ministre, député et maire (PRG) de Bastia. " EDF ce n'est pas une entreprise comme les autres. Le coeur de son activité recouvre un enjeu stratégique pour notre pays. Au quotidien, pour chaque citoyen, l'entreprise publique représente aussi la garantie d'un accès égal et garanti à l'électricité. Ainsi, avec la péréquation, un usager d'un village du cap Corse a les mêmes droits à l'accès au réseau qu'un habitant de Paris intra-muros. Cette réalité est le fruit d'une volonté et d'investissements qui appartiennent au patrimoine commun. La privatisation, fût-elle partielle, d'EDF, ce serait donc l'abandon d'une partie de cet acquis commun. Ce serait aussi, demain, le risque de voir la démarche sociétale du service public de l'électricité, préservée jusqu'alors par-delà les changements politiques, remise en question par des actionnaires privés en mal de retours sur investissement. Je ne suis pas un militant de l'économie administrée. Mais, au regard des enjeux dont EDF est porteuse, qui plus est en pleine crise énergétique mondiale, je juge l'ouverture de son capital à la fois inopportune et dangereuse. " EDF LES DIX MENSONGES DU GOUVERNEMENT ![]() « Il s’agit de donner les moyens à EDF, à l’heure de l’après-pétrole, de se développer. » Le premier ministre essaie ainsi de présenter l’ouverture du capital d’EDF comme indispensable. Ce qui est faux. EDF n’est pas une entreprise démunie. Entre 1970 et 1990, EDF a, sur ses propres fonds, investi à hauteur de 10 milliards d’euros par an, permettant la construction de 58 tranches nucléaires. Cet effort d’investissement est d’une tout autre ampleur que celui arrêté par le gouvernement qui est de seulement 40 milliards sur cinq ans. Au premier semestre 2005, EDF a réalisé un cash-flow (trésorerie) de 6,5 milliards d’euros (+ 13 % par rapport au premier semestre 2004). Ces résultats démontrent que l’entreprise possède une capacité d’autofinancement importante. Et quand bien même celle-ci serait insuffisante, les solutions alternatives défendues par les fédérations CGT, FO et CFDT et que le gouvernement a refusé d’étudier, comme une nouvelle dotation en capital par l’État ou le recours à l’emprunt, s’avèrent moins contraignantes et moins onéreuses qu’une ouverture du capital. Les taux d’intérêt de l’emprunt se situent entre 3 % et 4 %, alors que le retour sur investissement exigé par les actionnaires avoisine 10 % à 15 %. ![]() « Toute l’augmentation du capital sera strictement et intégralement affectée au développement de l’entreprise et à ses investissements. Il n’est évidemment pas question pour l’État de tirer parti de cette augmentation de capital pour récupérer pour lui-même, directement ou indirectement, des ressources supplémentaires. » Le premier ministre ment doublement par omission. La part du capital réservée aux salariés proviendra de la cession de titres de l’État, pour un montant d’un milliard d’euros. Un milliard qui tombera donc dans les caisses de l’État. La privatisation partielle d’EDF entre bien dans la longue série des opérations de vente des « bijoux de famille », de parts du patrimoine public, pour satisfaire aux dogmes financiers du pacte de stabilité en matière de déficit public. En outre, pour accompagner la mise en Bourse, l’entreprise prévoit d’augmenter le montant des dividendes versés aux actionnaires, y inclus parmi ceux-ci l’État. Ainsi, alors qu’il n’a pas doté l’entreprise de fonds propres depuis 1982, l’État l’avait déjà régulièrement ponctionnée de 300 à 400 millions d’euros de dividendes par an. Pour 2005, il empocherait 1,3 milliard d’euros, et 5 milliards au total sur trois ans, selon la CGT. ![]() « Le plan d’investissement prévoit de sécuriser les ressources financières qui permettront à EDF de démanteler les centrales nucléaires le moment venu. » Le flou règne sur l’affectation du plan d’investissement de 40 milliards d’euros sur cinq ans annoncé par le PDG, Pierre Gadonneix. Rien de précis n’a été indiqué concernant le poste essentiel de la sûreté du nucléaire. Le démantèlement des centrales arrivées en bout de course et le traitement des déchets représentent des sommes énormes, bien supérieures à ce plan. Un récent rapport de la Cour des comptes les a évaluées à près de 63 milliards d’euros. Qui les assumera ? La question n’est pas publiquement traitée. Mais dans son rapport, la Cour des comptes mentionnait « le risque, dans le cadre d’une ouverture du capital d’Areva et d’EDF dans des marchés devenus fortement concurrentiels, que les conséquences financières de leurs obligations (...) soient mal assurées et que la charge en rejaillisse in fine sur l’État ». Reprenant cette citation, le quotidien le Monde, dans un article de Laurent Mauduit, commentait jeudi : « C’est le scénario qui prend forme. Un scénario révélateur du libéralisme à la française : on privatise les profits, et on socialise les pertes. Sauf que, dans le cas présent, l’adage risque de prendre un relief sans précédent. Tant les profits pourraient s’avérer considérables. Et les risques financiers pour l’État explosifs. » Et le journaliste de conclure : « On devine par avance l’invraisemblable principe qui va guider cette privatisation : le pollueur, ce sera EDF ; les payeurs, ce seront les générations futures ; et les profiteurs, ce seront les actionnaires. » ![]() « Le contrat de service public prévoit que l’évolution des tarifs aux particuliers ne sera pas supérieure à l’inflation pendant au moins cinq ans. » Pour rassurer des consommateurs déjà échaudés par la hausse du pétrole et la baisse de leur pouvoir d’achat, le gouvernement promet que l’ouverture du capital d’EDF n’entraînera pas de hausse des tarifs. Mais le contrat de service public signé entre l’État et EDF peut être révisé. Et il le sera dès 2007. Dans un an et demi, le marché de l’électricité s’ouvrira aux particuliers. Pour l’instant, la concurrence n’est possible que pour les services aux entreprises. Le PDG d’EDF l’a lui-même confessé cette semaine : « Il faudra très certainement ajuster le contrat de service public à ce nouveau contexte. » Éric Roulot, secrétaire fédéral de la CGT mines et énergie, explique : « Aujourd’hui il y a un écart de 30 % entre le tarif régulé, fixé par l’État, et le tarif du marché. » Le syndicaliste craint donc que les nouveaux actionnaires ne cherchent à « réduire cet écart », voire « à faire disparaître le tarif régulé ». « Si la déréglementation du marché de l’électricité a lieu en 2007, on va passer de 3 à 30 millions de clients éligibles » à la concurrence, souligne Éric Roulot. Devant les députés à l’Assemblée, le communiste Alain Bocquet a, de son côté, dénoncé une future augmentation des tarifs « comme on le constate avec Gaz de France, qui, depuis l’ouverture de son capital, fait flamber les prix pour répondre à l’appétit des marchés boursiers ». GDF a, en effet, exprimé sa volonté d’augmenter ses prix de 12 % au 1er novembre. Une hausse qui, selon la CGT, « vise à assurer le doublement des dividendes aux actionnaires ». ![]() « EDF restera une entreprise publique. Il ne s’agit en aucun cas d’une privatisation déguisée. » Promis, juré, presque craché. À gauche, personne n’y croit. Et même dans les rangs de la majorité, certains ne se font aucune illusion. Ainsi, Nicolas Dupont-Aignan, souverainiste de l’UMP et député de l’Essonne, s’est dit opposé à « une privatisation rampante d’EDF ». La loi prévoit que l’État reste majoritaire et détienne 70 % du capital de l’électricien. Prudent, le gouvernement ne cède, pour l’instant, que 15 % des parts. Mais ces précautions ne convainquent pas les syndicats. Et pour cause. Le précédent France Télécom n’y incite pas. Rappel des faits : en 1996, le gouvernement d’Alain Juppé décide de changer le statut de l’opérateur public. Il se transforme en société anonyme. Soit exactement la même procédure qu’en mars dernier avec EDF. Le premier ministre d’alors avait invoqué « l’engagement solennel de l’État » et juré que « France Télécom restera une entreprise publique, sous forme d’une société détenue majoritairement par l’État ». Un an plus tard, le gouvernement de Lionel Jospin met près d’un quart du capital de l’entreprise en Bourse. Il réitère cette promesse au nom de la sauvegarde des services publics et de l’intérêt des usagers. Or, en 2005, l’État ne détient plus qu’une part minoritaire (42 %) de France Télécom. Elle est donc devenue une entreprise privée. ![]() « C’est une chance pour des entreprises comme EDF qui sont au premier rang de la compétition internationale. EDF va trouver en Europe de nouvelles perspectives de développement. » C’est un aveu de taille, de la part du premier ministre, sur la finalité du projet gouvernemental. Faire de l’entreprise un des leaders mondiaux et européens du marché de l’électricité. Autrement dit, l’entreprise utilisera des moyens considérables pour acquérir des parts de marché à coup d’acquisitions de concurrents. Ces deux dernières années, en Europe, 130 milliards d’euros ont été dilapidés de la sorte sans que cela aboutisse à la construction d’une seule unité de production supplémentaire. Pis : ces « aventures » peuvent s’avérer ruineuses. Ainsi, rien que pour l’année 2004, EDF a perdu 1,5 milliard d’euros dans ses filiales d’Amérique latine. Devant l’ampleur du gâchis financier, EDF a d’ailleurs fini par s’en séparer. ![]() « C’est dans cet esprit que les obligations de service public d’EDF vont être précisées et affirmées par le contrat que nous allons signer entre l’entreprise et l’État. EDF et sa filiale Réseau de transport d’électricité (RTE) s’engagent ainsi sans limitation de durée à fournir un service public de qualité. » C’est faux. Les obligations de service public comme « la péréquation tarifaire », « la modération tarifaire » et « l’accès à l’électricité pour les plus démunis » sont loin d’être accompagnées de garanties sur leur pérennité. Le premier ministre oublie, en effet, de mentionner que le contrat de service public sera « adaptable » en 2007, selon le mot du ministre de l’Économie et des Finances, Thierry Breton. Les « trois règles » si chères aujourd’hui à Dominique de Villepin pourraient à cette occasion être sérieusement remises en question. ![]() « L’État a vocation à contrôler EDF »<BR>Le premier ministre tente de faire croire que l’entrée du privé dans le capital d’EDF n’influencera pas sa gestion. Quand bien même l’État actionnaire principal souhaiterait à l’avenir maintenir des priorités de service public dans la conduite de l’entreprise, il devra composer avec les intérêts des autres détenteurs du capital. Or, ceux-ci préféreront la rentabilité et le profit au détriment des besoins énergétiques du pays. Seule la propriété totale d’une entreprise assure de son contrôle. Ainsi, dans un débat à la Fête de l’Humanité, le PDG de Suez a expliqué son rachat de la totalité des parts du producteur d’électricité Electrabel (il en possédait jusqu’à présent 51 %) par la nécessité de le contrôler complètement. ![]() « L’ouverture du capital d’EDF se fait dans l’intérêt de ses salariés. » Pour justifier cette assertion, Dominique de Villepin met en avant les facilités d’acquisition d’actions décidées pour le personnel. Le premier ministre feint d’ignorer que les exigences de rentabilité des actionnaires se traduisent souvent par une pression accrue sur la masse salariale de l’entreprise et l’emploi, et par une dégradation des conditions de travail. Les quelques milliers d’euros d’épargne que permettra aux agents d’EDF l’achat d’actions pèseront bien peu au regard des conséquences sociales de la privatisation. ![]() Bruxelles ou les raisons d’un silence. Depuis le début de la semaine et l’annonce de l’ouverture du capital d’EDF, le gouvernement est étrangement silencieux sur les « contraintes européennes ». Pourtant, lors du débat l’an dernier sur le changement de statut de l’électricien français, la majorité n’avait eu de cesse d’invoquer Bruxelles pour justifier cette politique. « La question d’EDF est pour la Commission européenne un test de l’engagement européen de la France », avait ainsi déclaré Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Économie et des Finances. Or Bruxelles n’a jamais exigé la privatisation d’EDF. Elle n’a pas compétence pour juger du statut des entreprises publiques. Elle demande, en revanche, la libéralisation du marché de l’énergie. Une exigence qui rend, indirectement, indispensable une modification du statut d’EDF. En tout cas, il est pour le moins étonnant que le gouvernement n’utilise plus l’obligation européenne comme prétexte à ses réformes. Depuis le 29 mai et le « non » à la constitution, Dominique de Villepin préfère, en effet, se targuer de « patriotisme économique »... Lénaïg Brédoux, Yves Housson et Pierre-Henri Lab |